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Ah oui au fait... les Beatles !

Ah oui au fait... les Beatles !

Je suis le premier surpris à ne pas avoir pris le temps de faire un message (au moins un !) sur ce petit/grand évènement du 09.09.09. La ressortie du catalogue des Beatles qui, pour la première fois a été remasterisé. La réponse est toute simple et fera sourire certains d'entre vous. Je suis tellement pris depuis deux mois à lire quotidiennement les milliers (je n'exagère pas) de messages sur les forums anglophones, francophones, la presse (internationale) que je n'ai pas trouvé un instant pour causer de Ringo, George, Paul et John.

Je vais, pour l'instant, me contenter de poster un entretien avec Allan Rouse, le gars en charge du projet de remasterisation (faites sur quatre ans avec 6/7 collègues). Je me dois aussi de dire que tout avait commencé le 07 avril dernier pour les fans des Beatles. Vous le savez peut-être (non ?) mais les chansons et les albums des Beatles étaient sortis en cd en 1987. Et puis... rien. Dans le même temps (22 ans quand même !) les technologies ont fait des bonds de géants et les Stones/Gainsbourg/Hendrix/Led Zeppelin/Brel et tout ce qui s'en suit ont ressortie leur répertoire une fois, deux fois, trois fois. Parfois même cinq fois comme les Doors ! Oui, au gré des avancées en matière de traitement du son, certains ressortaient leurs chansons remasterisées puis remixées puis encore rematerisées mais mieux que la veille !

Bref, depuis le milieu des années 90, le catalogue des Beatles faisaent pêle figure avec non seulement un son affreux sur cds (les vinyls avaient un meilleur rendu !) amis aussi des livrets/pochettes honteux. Genre deux pages et puis c'est tout. Je fais partie des fans qui attendaient la nouvelle depuis près de quinze ans. Au bas mot. Le 07 avril je fut exaucé. Et puis le 17, je perdis un gros bout de moi. Inutile de vous dire que je me suis alors jeté à fond dans le suivi de ce projet dit du "09.09.09". Ma passion pour "les p'tits gars de Liverpool" comme les appelait Serge, m'aura aider, je le dis sans honte, à affronter ces temps difficiles.



 


En cette fin d'année 2009 (pas tout à fait, disons en cet automne qui arrive), un peu comme dans la chanson je peux me dire: It's been a long, cold, lonely winter, it feels like years since it's been here. Here comes the sun...




Voici l'entretien avec Allan Rouse, ingnieur son pour EMI/APPLE aux studios  d'Abbey Road de Londres.



Pourriez-vous expliquer en quoi la remasterisation des albums des Beatles était devenue une nécessité ?
 
Les albums des Beatles n’avaient jamais été re-masterisés depuis l’apparition du CD dans les années 80 alors qu’une partie de leur catalogue avait été re-mixé depuis (pour la sortie en dvd de YELLOW SUBMARINE, puis pour la bande son du spectacle LOVE du Cirque du Soleil. Il était important que la musique originale, créée par les Beatles, Sir George Martin et les ingénieurs du son de l’époque puisse être présentée aujourd’hui de la meilleure façon possible.


Pour quelles raisons un fan qui possèderait déjà les vynils et les cd devrait-il acheter à nouveau les albums ?
Je crois sincèrement que les albums re-masterisés ont un son bien meilleur que les CD réalisés il y a plus de 22 ans. Et cela d’abord parce que la technologie digitale a énormément progressé par rapport à ce qu’elle était à l’époque où l’on a produit les premiers CD. Je pense aussi que nos efforts pour choisir les meilleures machines possibles dès le début du processus nous a permis d’améliorer très sensiblement le son de l’ensemble. Enfin, le packaging et les livrets qui accompagnent les CD aujourd’hui sont très nettement supérieurs à ceux, très basiques, de 1987.

Vous êtes vous donné un certain nombre de règles pour effectuer cette re-mastérisation ?
 
La technologie actuelle permet de réaliser des choses qu’il était difficile, voire impossible de faire lors de la première édition en CD. Dès le départ, un débat a eu lieu au sein de l’équipe chargée de la re-mastérisation afin de déterminer sur quels types de sons nous allions intervenir : lesquels pourraient être améliorés ou éliminés des enregistrements originaux. Notre règle a toujours été que les décisions devaient être prises à l’unanimité. Nous avons ainsi décidé que toute imperfection technique comme par exemple les sifflantes excessives, les bruits de micro liés au chant (lors de la prononciation de la lettre « p » notamment) ou encore les clics d’origine électrique… pourraient être retirés à condition de ne pas affecter l’intégrité de l’enregistrement. En revanche, tout ce qui relevait directement de la performance des Beatles tels que les respirations, les grincements de la grosse caisse de Ringo ou le craquement de chaise à la fin de A Day in The Life devrait être laissé intact.

A la première écoute, on a l’impression d’entendre plus clairement les instruments… comme si on les avait séparés des voix. Y-a-t-il d’autres changements majeurs qu’on peut percevoir ?
L’équipe d’Abbey Road s’est occupée de plusieurs remix des Beatles : Yellow Submarine en 5.1 surround avec une nouvelle stéréo puis le DVD de l’Anthologie, le DVD de Help, Let it Be Naked et donc Love pour le spectacle de Las Vegas. Lorsqu’on remixe, on peut non seulement repositionner les voix et les instruments mais on peut également changer leur niveau et leur sonorité. Ce sont là des changements majeurs et nous étions conscients du fait qu’on ne pourrait pas opérer de tels changements par la re-mastérisation qui est une opération plus restrictive en comparaison. Les principaux changements qui ont pu être faits consistaient tout au plus à renforcer une piste. Nous avons écouté chaque titre très attentivement et si nous sentions qu’une voix, une guitare, une basse ou une percussion pouvait être améliorée d’une façon ou d’une autre, un essai était fait. Si, par exemple, nous pensions qu’une voix avait besoin d’être un peu plus présente, nous la poussions un peu mais toujours de façon suffisamment discrète pour que cela affecte le moins possible les instruments. Nos interventions ne devaient en aucun cas affecter l’ensemble. Sur une vingtaine de titres, nous n’avons procédé à aucun rééquilibrage du son car c’était inutile. Pour la majorité des autres titres, nous l’avons fait de façon extrêmement réduite. Notre intention a toujours été de nous éloigner le moins possible du son original des « master tapes » (les bandes masters).

Vu de l’extérieur, on a l’impression que les ingénieurs du son chargés du projet avaient une énorme responsabilité. Ca doit être assez facile de se planter, non ?
Nous étions tous conscients au départ, et à vrai dire un peu nerveux, du danger de ne pas faire le job correctement. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de façon collective de comment nous allions procéder. Chaque aspect de l’opération a été discuté entre nous jusqu’à ce que nous soyons tous, sans exception, entièrement satisfaits du résultat. Plus important encore, nous tenions à ce que notre travail plaise à la fois à EMI, Apple et au public.

Cela aurait-il représenté un danger qu’une personne décide seule ? 
Non. Je ne pense pas qu’il y aurait eu le moindre danger. Guy Massey, Paul Hicks, Sam Okell, Steve Rooke, Sean Magee ou encore Simon Gibson sont tous de très talentueux ingénieurs du son et nous étions généralement tous d’accord sur ce qu’il fallait faire. Néanmoins, certains aspects plus techniques demandaient plus de réflexion et il était alors appréciable d’être plusieurs à travailler sur le projet. Sans compter que, si une seule personne avait été chargée de re-masteriser l’œuvre complète d’un des plus grands groupes du monde, cela aurait quand même représenté une sacrée pression…

Pensez-vous que cette réédition puisse amener des jeunes à découvrir leur musique aujourd’hui ?
A en juger par le nombre de jeunes qui viennent se photographier au carrefour d’Abbey Road ou qui écrivent sur le mur des studios, j’aurais plutôt tendance à penser que les disques des Beatles auraient continué de se vendre avec ou sans re-mastérisation. Ce qu’on peut dire, c’est qu’ils sont aujourd’hui bien mieux présentés, tant sur le plan du son que visuellement, et que cette réédition rend hommage à l’importance de leur œuvre dans l’histoire de la musique.
Propos recueillis par PATRICK  DUVAL